Le droit voisin

Il n’est pas toujours facile d’expliquer à des personnes non initiées aux métiers de la musique, ou aux débutants, la différence entre droit d’auteur (le droit des auteurs, compositeurs et des éditeurs), et le droit voisin (celui des artiste et des producteurs). Il est souvent nécessaire de faire appel à des exemples simples pour illustrer cette différence. Parmi ceux-ci : si vous composez une chanson, que celle-ci est interprétée par XYZ, chanteur connu, vous serez toujours le détenteur du droit d’auteur mais XYZ, et son producteur, seront détenteurs du droit voisin.

À l’inverse, si vous enregistrez une version d’une chanson connue, « Yesterday » des Beatles par exemple, vous en avez parfaitement le droit et, si vous financez l’enregistrement, vous en serez à la fois l’artiste-interprète et le producteur. John Lennon, Paul McCartney en seront toujours les auteurs compositeurs et ATV-Music l’éditeur.

Cet exemple montre la différence qui sépare ces deux notions : celle du créateur de l’œuvre de l’esprit, ou de l’imagination, et celle de l’artiste, de l’interprète.

Qu’est-ce que le droit voisin ?

Le droit voisin est l’équivalent du droit d’auteur pour les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. Un phonogramme désigne l’enregistrement, ou fixation, d’une œuvre sur un support tel que disque, bande magnétique et sur tout support numérique, par exemple sur un disque dur. Il s’agit de l’objet matériel sur lequel est reproduite l’interprétation d’une œuvre. Un compact-disc comporte autant de phonogrammes que de titres.

Est dit producteur de phonogrammes la personne morale (une société ou une association), ou la personne physique (un particulier), qui a l’initiative et la responsabilité de l’enregistrement qu’elle finance. Avoir l’initiative de l’enregistrement signifie réunir les conditions nécessaires à sa fixation ; tel que, passer un contrat avec un interprète, organiser les séances d’enregistrement, présider à sa publication et à sa promotion etc. et, bien entendu, en assurer le financement sont les deux conditions qui concourent à la qualité de producteur de phonogramme. 

Pourquoi cette terminologie ? Droit voisin – mais voisin de quoi ?

Parce que proche du droit d’auteur, mais, sans pour autant considérer que l’interprétation soit tout à fait semblable à la création de l’œuvre dite de l’esprit qui caractérise le droit d’auteur. C’est la raison pour laquelle, notre Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) comporte, pour ce qui concerne la musique, un livre premier consacré au droit d’auteur et un livre second au droit voisin.

En quoi consiste l’exercice du droit voisin ?

Ce sont les dispositions du Traité de Rome de 1957, puis celles de 1961 qui ont donné naissance au droit voisin dans les pays de l’actuelle Union Européenne. Fondée sur ces principes, la loi du 3 Juillet 1985, dite loi Lang, protège les interprétations et la propriété des enregistrements, et accorde ainsi, aux artistes et aux producteurs de phonogrammes le droit d’autoriser ou d’interdire la diffusion et la reproduction de leurs interprétations et enregistrements.

Par exemple, avant la promulgation de la loi du 3 Juillet 1985, seuls les auteurs et les éditeurs recevaient une rémunération lors de la diffusion des œuvres, comme par exemple à la radio ou à la télévision, à partir de la promulgation de cette loi, les artistes et les producteurs de phonogrammes ont pu recevoir des droits, distincts de ceux des auteurs et éditeurs, pour ces mêmes diffusions. Il faut noter que, dans son article premier, ‘les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs’. Mais est-ce bien certain ? C’est là un autre débat…

Un peu partout en Europe, et à l’instar des sociétés de droit d’auteur, se sont créé des sociétés de perception et de répartition de droit voisin. Certaines étaient déjà en activité: la GVL en Allemagne depuis 1959 et la LSG en Autriche depuis 1968.

C’est la GVL qui attribue le LC code (Label Code) apposé au verso des cd’s ce code permet l’identification des producteurs.

Les sociétés d’artistes-interprètes :

En France, l’ADAMI (société civile pour l’Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes), est en charge de la perception et de la répartition des droits des artistes. La SPEDIDAM ( Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes-Interprètes) se consacre davantage aux droits des musiciens d’accompagnement; l’ADAMI est plus orientée vers ceux des artistes. Ces deux sociétés existent depuis les années 50.

Avec l’évolution des techniques d’enregistrement permettant à un seul musicien de se substituer à un orchestre composé de plusieurs interprètes, il importe, dans le cas d’enregistrements réalisés en home-studio, d’être membre des deux sociétés. Ce qui est très fréquent pour les productions destinées à l’image ou encore la musique électro. .

Les sociétés de producteurs :

La SCPP (Société Civile des Producteurs Phonographigues) et la SPPF (Société des Producteurs Phonographiques Français), toutes deux créées à partir de 1985, collectent et répartissent, tout comme l’ADAMI et la SPEDIDAM, les droits issus de la licence légale sur la base de la rémunération équitable.

Qu’est-ce que la licence légale et la rémunération équitable?

Le Code de la Propriété Intellectuelle stipule que : lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, c’est dire disponible en cd dans les magasins de détail comme la Fnac ou en ligne sur Spotify, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer à sa communication directe dans un lieu public ainsi qu’à sa radiodiffusion dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle. Le terme radiodiffusion englobe la télévision. Nous reviendrons sur la notion d’autorisation préalable dans l’article consacré au droit dit de synchronisation.

Dans la pratique, cette disposition oblige les diffuseurs, radio, télévision, lieux publics, comme par exemple les discothèques, à verser, en même temps qu’une redevance au titre du droit voisin pour l’utilisation des enregistrements aux sociétés de droit voisin, en même temps que des droits d’auteur à la SACEM pour l’utilisation des œuvres musicales. C’est la Spré (Société pour la perception de la rémunération équitable) qui collecte cette redevance qui est ensuite répartie aux différentes sociétés de droits voisins sachant que, 50% reviennent aux sociétés d’Artistes-Interprètes, ADAMI et SPEDIDAM, et 50% aux sociétés de producteurs, SCPP et SPFF. C’est la raison pour laquelle cette rémunération issue de la licence légale est appelée rémunération équitable.

Cependant, la licence légale n’est pas la seule source de revenus issue du droit voisin. Le droit de fixation, dit généralement droit de synchronisation, et la perception des droits collectés au titre de la copie privée, pour ce qui concerne les artistes-interprètes et les producteurs, ont également pour origine l’application du droit voisin.

— Pour plus de détails : 

– Code de la Propriété Intellectuelle – Livre – Droit voisin —

– Droits voisins du droit d’auteur en France — Wikipédia (wikipedia.org)

Frédéric Leibovitz – juin 2017