Les années 60 & 70

L’internationalisation

L’acquisition de KPM par le Groupe EMI, à la fin des années 60, marque l’entrée des majors de l’industrie musicale dans la production music. Cependant l’activité reste durant toutes ces années un marché de niche réservé aux indépendants. En dehors du Groupe EMI, aucune autre major de l’industrie musicale ne s’y intéresse sérieusement. Au cours de cette période particulièrement faste pour la musique populaire, de nombreuses sociétés d’illustration musicale se créent dans les pays où le droit d’auteur est la norme.

En France, Sonimage/ Musique pour l’Image, société créée par Robert Viger, propose déjà une production avant-gardiste et révélatrice du potentiel créatif de l’activité en publiant des albums de jazz et de musique électro-acoustique. D’autres sociétés, comme Montparnasse 2000, ou encore Télé Music dirigée par Roger Tokarz deviennent des leaders du marché. Figurent au catalogue de Télé Music des enregistrements de référence qui seront samplés par de célèbres artistes anglo-saxons des années 90/2000. Parmi ses compositeurs citons Bernard Estardy, Pierre-Alain Dahan, Slim Pezin et Marc Chantereau. De son côté, Chappell France publie les enregistrements, aujourd’hui cultes, de Jack Arel et Jean-Claude Petit.

La société d’Eddie Warner, (à ne pas confondre avec Warner Brothers), L’Illustration Musicale, édite Western Patrol , le plus ancien générique de la télévision française, pour l’émission « Des Chiffres et des Lettres ». Son catalogue recèle en outre de nombreuses musiques de Roger Roger et Nino Nardini, compositeurs de référence de cette période. L’Illustration Musicale est rachetée par Zomba Music dans les années 90, avant d’être intégrée au groupe BMG en 2003 puis à celui Universal en 2007.

En 1965, Gerhard Narholz fonde en Allemagne et en Autriche, Sonoton, le plus grand indépendant mondial, qui est demeuré une référence dans les pays germanophones ainsi qu’aux USA. L’autre grande librairie musicale allemande est « Selected Sound », membre du Groupe EMI, longtemps dirigée par Hans Muller.

Si l’on compte de nombreuses librairies musicales au Royaume-Uni, en France et Allemagne, dont certaines ne publient que quelques albums, l’Italie n’est pas en reste en matière d’innovation. En effet, au cours des années 60/70, une multitude de labels, originaux pour les uns, ou kitsch pour les autres, font leur apparition. A côté des départements d’illustration musicale des grands éditeurs tels que, CAM, l’édition d’état Fonit-Cetra, Carosello, Leonardi, RCA Italiana, c’est plus d’une cinquantaine de labels indépendants qui voient le jour. Parmi ceux-ci, nous retiendrons les labels créés par le compositeur Piero Umiliani, Liuto et Omicron, et Intermezzi, le label d’Alessandro Alessandroni.  Les vinyles des labels italiens sont aujourd’hui particulièrement recherchés par les collectionneurs pour leur son caractéristique, leur originalité et leur liberté de ton.

Il faut remarquer qu’en Italie, les plus grands compositeurs de musique de film que sont Ennio Morricone, Riz Ortolani, Luis Bacalov ou Bruno Nicolai travaillent pour l’illustration musicale sous leurs propres noms ; et ce, contrairement à des musiciens de renom d’autres pays qui préfèrent signer leurs œuvres destinées à la production music sous des pseudonymes. La collection « BPM Score Music Series » (Universal) reflète cette période particulièrement créative de la production music italienne.

En 1968, Romano di Bari fonde Canopo Edizioni Musicali avant de lancer Flipper Music et son label Primerose en 1970. Flipper Music est toujours aujourd’hui animé par son fils Fabio di Bari. C’est le label indépendant le plus actif du marché italien avec Machiavelli.

Au Royaume-Uni, en 1977, le Groupe ATV Music fonde Bruton Music, autre acteur de poids du secteur, sous la direction de Robin Phillips.

Le synthétiseur – Une autre lutherie et une nouvelle palette sonore

L’apparition du synthétiseur marque une étape décisive pour la production music. Remplaçant peu à peu les claviers électroniques, tels que les orgues italiens Farfisa, Bontempi ou Elka, le plus souvent utilisés pour des raisons économiques à la place des cordes, les synthétiseurs, principalement le Moog, proposent de nouveaux timbres capables d’illustrer l’aspect futuriste de certaines productions des années 70 et 80.

Pionnier de son utilisation, Jean-Jacques Perrey (1929 – 2016), en collaboration avec Cecil Leuter, compose pour de nombreuses librairies musicales françaises, dont l’Illustration Musicale et Creasound. Installé aux Etats-Unis depuis le début des années 60, il collabore avec Gershon Kingsley, compositeur de Pop-Corn, premier succès international de musique pour synthétiseur par le groupe Hot Butter en 1972. A l’origine composé pour la production music sur le label de l’édition Bourne, Pop-Corn ouvre la voie à de nombreuses créations de musique pour l’image.

Le Copyright Act

La loi américaine de 1976, dite Copyright Act, qui instaure un droit de propriété distinct sur les enregistrements (l’équivalent de notre droit voisin), va bouleverser les rapports entre médias et producteurs d’enregistrements. Après l’instauration de cette loi, l’utilisation des enregistrements dans un programme de télévision nécessite l’autorisation préalable de ses propriétaires. Les dispositions du Copyright Act donnent une impulsion nouvelle et décisive au développement de la production music aux Etats-Unis. Les éditeurs de production music qui, rappelons-le, détiennent les droits de reproduction des œuvres, mais aussi des enregistrements, ne tarderont pas à répondre à la demande croissante de musique par les médias.